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L’intuition de l’urgentiste a évité l’infection générale (Sudpresse 27/04/20)

Le 3 mars, l’hôpital d’Eupen décelait le premier cas de patient wallon victime du coronavirus. Le résultat d’une fine analyse de l’urgentiste, alors que les symptômes du Baelenois n’étaient pas manifestes, raconte le directeur médical, Frédéric Marenne. Sans la perspicacité de l’urgentiste, de nombreux départements auraient pu être infectés. Le directeur médical raconte aussi le quotidien dans la section des patients Covid, distincte des soins intensifs.

Eupen a reçu le premier patient Covid,le 3 mars,le patient «alpha»? Vous étiez une espèce de lanceur d’alerte à l’époque,parce que vous avez fort critiqué la lenteur des résultats…

J’ai été un lanceur d’alerte par la force des choses. J’aurais préféré ne pas l’être. (…) On a été obligé de bouger, on était les mains dans le cambouis (…). On a dû s’organiser parce qu’on ne savait pas ce qui allait nous arriver. Avec ce premier cas, on a eu de la chance que notre urgentiste ait eu cette intuition: si on avait baladé ce patient qui n’était pas dans les critères suspects, tout l’hôpital aurait été infecté. Après, on a eu deux ou trois jours sans autre patient Covid et on a eu la chance de pouvoir s’organiser. On était les premiers au front, c’était le hasard. Les autres ont suivi. On a eu aussi une équipe qui a réagi adéquatement. Je tire mon chapeau à la directrice du nursing, à l’infirmière en chef et au directeur général ainsi qu’aux 600 personnes qui se sont mobilisées. Cela a été une expérience humaine fatigante, mais passionnante.

Ces derniers jours,vous avez travaillé en salle Covid. Est-ce difficile?

Ça demande beaucoup d’attention pour ne pas faire d’erreur. Il faut enfiler et désenfiler ses vêtements dans le bon ordre.

Quel est le moral des patients?

Quand ce sont des jeunes en phase de convalescence, ils sont contents parce qu’ils vont pouvoir rentrer. Chez les personnes plus âgées, l’une ou l’autre a plus de problèmes. Elles en ont marre: ça dure trop longtemps. Une dame m’a dit: «Je tiens à mes enfants et à ma famille. C’est tout ce que j’ai dans ma vie et je veux les revoir.» Je lui ai répondu qu’elle devait encore un peu patienter car elle était encore probablement porteuse et qu’il fallait se mettre en quarantaine avant de rentrer. Mais ça leur tombe dur.

Et le personnel,comment vit-il cela?

Après un début quand même un peu angoissé en salle Covid, il vit ça comme une expérience enrichissante dans le sens où il s’occupe d’un autre genre de patient au sens où on a mélangé les équipes pour pouvoir faire face. (...) Et du point de vue du profil des patients et de l’enthousiasme qu’on a quand voit quand ils vont mieux, l’équipe vit une expérience positive.

Cela va laisser des traces à l’hôpital?

Oui. Du point de vue de l’esprit d’équipe. Le fait de s’être serré les coudes pour relever le défi, c’est positif. On commence aussi à réfléchir à la sortie de crise. Le système de santé mettra de très longs mois à retrouver son régime de croisière, si on y arrive. Car le Covid pourra toujours revenir. Il faudra un mécanisme de mise en service rapide et aux soins intensifs, avec au moins une salle. Le système de santé va devoir être repensé.

Avez-vous assez de matériel?

On a été économes et grâce à ça, on a tenu le coup pour les masques et les blouses. On a eu un peu de problèmes avec les gants en latex longs. Pour les médicaments, on a de temps en temps été un peu juste, mais jamais vraiment en manque.

Que pensez-vous des mesures annoncées vendredi?

C’est un premier jet pour donner un peu de grain à moudre à la population, de la part de Mme Wilmès. Mais elle peut rétropédaler à tout moment s’il le faut. C’est pas mal fait. Ça donne un peu d’espoir aux gens, mais ça n’implique pas grand-chose dans la vie de tous les jours. Il faut encore tenir les distances. Mais avant qu’on retravaille au même rythme, il faudra beaucoup de temps, si on y arrive un jour. Les hôpitaux n’auront plus le même chiffre d’affaires, il faudra que les médecins gagnent un peu moins et il faudra faire attention que les patients se rencontrent moins. Il faudra certainement prévoir un circuit Covid safe et un circuit Covid suspect, avec un petit appendice Covid confirmé.

PROPOS RECUEILLIS PAR YVES BASTIN