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Non, la situation n’est pas revenue à la normale au sein de l’hôpital d'Eupen (L'avenir.net du 11/07/2020)

Docteur Frédéric Marenne, il y a quatre mois était détecté au sein de votre hôpital le premier cas de coronavirus en Wallonie. Désormais, la situation est-elle revenue à la normale?

Non! On fait toujours attention à ne pas avoir de patient contaminé au coronavirus. On accepte un visiteur par jour et par patient. Pour les personnes hospitalisées, il y a un test PCR prévu avant l’admission. Et lorsque c’est imprévu, on réalise un test PCR et on met la personne en isolement en attendant le résultat. On préfère être prudent. Nous n’avons plus eu de patient Covid depuis 6 semaines et dès que nous avons des personnes positives au Covid (on a eu deux cas il y a un mois, de la même famille), nous les envoyons au MontLégia qui maintient une unité Covid.

L’épreuve fut terriblement violente pour le personnel soignant. Comment, aujourd’hui, se remetil (psychologiquement et physiquement) de cette crise?

Au sein de notre hôpital, j’ai été absolument étonné du courage et de la résistance du personnel. Le plus difficile fut de ne pas permettre aux familles de venir, d’assurer un processus humain normal lors des fins de vie… La charge mentale et psychologique était importante. Mais la situation est restée sous contrôle et nous n’avons pas eu à déplorer d’absence en raison du coronavirus. 9,5% du personnel a été positif au virus mais peu ont été malades. Par chance, ou parce qu’on a pris les bonnes précautions, nous n’avons pas eu de gros dégâts de santé.

Les équipements ont fait défaut en mars et avril. Les stocks sont-ils à nouveau disponibles?

Ce fut très tendu au niveau du matériel de protection. Mais grâce à des contacts personnels et à la solidarité du réseau nous avons pu préserver du matériel. Dorénavant, nous avons du stock pour tenir trois mois en cas de nouvelle crise.

Eupen est au cœur de l’Euregio. De nombreux citoyens retournent se promener à Maastricht ou faire leurs courses en Allemagne (pays qui diffuse d’ailleurs des spots publicitaires chez nous). Quel regard portez-vous sur ces mouvements entre pays?

J’ai l’impression que la Hollande, l’Allemagne et la Belgique sont à un niveau d’infection semblable. Si on respecte les mesures (de distanciation et du port du masque), ça ne posera pas de problème. J’entends qu’il y a parfois des dérapages de jeunes qui veulent se retrouver… Bon. À un moment, il y a aussi eu un gros souci du côté de Heerlen, mais on est désormais plus ou moins tous au même niveau. Il faudra surveiller où se réveillera le premier nid, mais ça peut être dans n’importe lequel des trois pays. Il faut rester attentif. Nous, on gardera nos mesures au moins jusqu’à la fin du mois d’août. Il y a 200 000 cas confirmés chaque jour dans le monde, donc il faut garder nos réflexes et, à mon avis, la vie ne sera jamais plus totalement la même.

Plus globalement, que préconisez-vous à la suite de la réouverture des frontières et, cet été, pour le retour des vacances? Une quatorzaine sur base volontaire?

Certainement si on revient d’une zone à risque ou si on a un symptôme. En cas de doute, il faut se faire contrôler. Et je reste un adepte du masque. Mais la quarantaine d’office, actuellement, non je ne pense pas que ce soit utile. Maintenant, on dira peut-être autre chose dans une semaine.

Dans certaines zones d’Europe, le reconfinement est une réalité. Craignez-vous qu’on puisse reconfiner en Belgique? Avez-vous le sentiment que les mesures de précautions sont respectées et assez appliquées?

On pourrait très bien reconfiner en Belgique! Il faut garder les mesures de protection pour éviter cela. Honnêtement, dans la région, j’ai l’impression que les gens font attention. Mais dans les villes, il faut plus se méfier, on l’a vu au Portugal avec Lisbonne.

Dans notre journal, le Baelenois Ghislain Colle (passé par votre hôpital, puisqu’il s’agissait de «notre» premier patient officiel) s’étonnait que la variable principale pour détecter le Covid soit la température corporelle. Qu’en pensez-vous?

Pendant deux mois, chaque nouveau patient à l’hôpital devait, la veille de son passage, subir un interrogatoire complet pour savoir s’il était suspect ou pas. On a relâché un peu la pression il y a 15 jours, mais les gens doivent toujours porter le masque et il y a une prise systématique de la température, on est intraitable. Sans oublier le lavage des mains. On est dans des précautions qui, à mon avis, suffisent actuellement.

Avec le recul, estimez-vous que la crise a été bien gérée par l’autorité politique?

Clairement, non. Il faut distinguer deux choses. Au niveau fédéral, on n’a pas été aidé. Il y a eu des avis tardifs, des positions parfois contradictoires, un manque de matériel… On a vraiment eu l’impression d’un manque d’efficacité et d’une cacophonie. J’espère qu’ils vont faire une analyse de la gestion et, je l’ai dit à une collaboratrice de Madame De Block, le monde médical est disposé à en discuter. Au niveau de la Communauté germanophone, ce fut nettement plus facile et plus direct. Mais c’est vrai que j’ai le numéro du ministre de la Santé Antoniadis, et il a le mien. Ça aide.

Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à l’évolution de la situation?

Je suis optimiste car on a réagi, pour la première fois en 100 ans, à une crise sanitaire épidémique. On pourra mieux faire face à une éventuelle nouvelle crise. Pour le Covid-19, on va devoir vivre avec jusqu’à l’émergence d’un vaccin. Mais on doit pouvoir gérer une seconde vague, voire même une  épidémie d'un autre virus.